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Le Haut Commissariat aux Réfugiés des Nation Unies (UNHCR) est l’Agence des Nations Unies pour la question des réfugiés à travers le monde. Cette organisation internationale prend en charge des questions relatives aux réfugiés, aux communautés déplacées et aux apatrides.


Biographie de Marine Franck : Après deux diplômes obtenus en droit et science politique, et un master 2 en droit international et relations internationales, et un passage auprès du réseau Women in Europe for a Common Future (WECF) et du groupe d’experts-conseil EcoRessources Consultants, Marine Franck, que nous avons interviewé, a travaillé plus de 4 ans en tant que Climate Change Program Officer à l’UNHCR. Responsable du “Climate change and disaster displacement portfolio”, elle a, au cours de ces années, travaillé au développement de stratégies et activités de coopération, de recherche, de communication, et d’influence sur les processus politiques internationaux, notamment en soutien à l’Initiative Nansen et à la Platform on Disaster Displacement. Ayant l’année dernière quitté le Haut Commissariat pour devenir consultante indépendante, elle précise qu’elle ne s’exprime aujourd’hui pas en son nom.

L’UNHCR

Haut Commissariat

aux Réfugiés

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Marine Franck, ex-Program Officer Climate Change, Disaster and Displacement 

Sur le débat sémantique : des déplacés pour raisons environnementales

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Le HCR fait partie des premiers acteurs institutionnels à aborder la question de ce qu’il désigne aujourd’hui comme les « personnes déplacées pour des raisons environnementales ». Dès 1993, il publie un rapport intitulé « The world’s refugees » où il identifie parmi les causes de la migration, les dégradations de l’environnement. L’organisation refuse le terme de « réfugié climatique » car il ne recouvre aucune réalité juridique, les causes environnementales n’entrant pas en ligne de compte dans les critères établis par la Convention de Genève en 1951. Marine Franck le justifie ainsi : “La Convention de 1952 ne couvre pas les changements climatiques comme étant une cause d’obtention du statut d réfugié, qui est la persécution et dont les raisons environnementales ne font pas parties. Il y a quand même quelques exceptions qui permettraient d’obtenir le statut de réfugié en étant déplacé dans le contexte des changements climatiques, mais seulement en combinaison avec d’autres facteurs comme les conflits”.

 

Par ailleurs, le HCR juge que ce terme de « réfugié climatique » contre-productif dans le sens où il ne permet pas selon lui de rendre compte d’une complication majeure liée aux déplacés environnementaux, soit justement l’absence de statut juridique. Et Marine Franck d’ajouter : “Puisque la majorité des personnes concernées ne bénéficient pas de ce statut, il peut finalement être contre-productif parce qu’il ne permet de mettre le doigt sur le fait qu’il y a un vrai vide juridique au niveau de la protection de ces personnes là.”.  

 

Marine Franck déplore même l’impasse que constituent ces débats conceptuels et qui selon elle ne mèneront pas “du jour au lendemain à un consensus”. Elle souligne : “Cela fait des années qu’on essaie d’avoir une définition commune et que finalement les discussions ne tournent plus qu’autour de cette définition plutôt que de s’attaquer à la substance de l’enjeu même.”. Cet enjeu concerne tout particulièrement “ceux qui n’ont pas le choix”; “même si les migrants peuvent en cours de route devenir eux-mêmes vulnérables et avoir besoin d’assistance et de protection - auquel cas le HCR peut intervenir, c’est plutôt cette catégorie de déplacés qui à la base fuient pour leur survie et ont des besoins immédiats et spécifiques que le HCR va viser à protéger.”.  

 

Sur la question de la quantification : l’impossibilité d’une quantification fiable

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Le HCR inscrit les déplacements environnementaux dans une perspective multicausale, et met de cette manière l’accent sur la difficulté de les mesurer. Difficulté, voire impossibilité, comme on peut le lire dans un rapport publié en 2001, rédigé par Richard Black et qui s’intitule « Environmental refugees : myth or reality ? », dans lequel ce dernier déconstruit les quantifications établies par des chercheurs tels que Mattson et Rapp (1991), Sander (1990-91) ou encore Jacobson. La complexité d’établir une quantification d’un point de vue méthodologique et conceptuel est avancée. Ainsi, aucun chiffre officiel n’est adopté et revendiqué par l’organisation, mis à part concernant le cas particulier des déplacés internes par des catastrophes soudaines où la quantification utilisée est celle de l’Internal Displacement Monitoring Center (IDMC) et que le HCR concède ne traduire qu’un aperçu limité du phénomène dans son ensemble.

 

Cette délicate quantification s’explique notamment par la prise en compte des désastres à effets lents dans les “raisons environnementales” poussant les individus au départ. Comme le dit M.Franck : “Les désastres à effets lents posent ainsi tout un tas de nouveaux challenges, notamment dans l’identification de leur cause du déplacement, des données liées à ces désastres là, dans la protection également, qui restent non couverts.”. Et de conclure “On a pas à notre disposition des datas assez robustes et globales pour prendre en compte l’intégralité des personnes déplacées. En plus c’est vraiment compliqué au niveau méthodologique, notamment parce que ce sont souvent des déplacées multi-causaux (...) Il y a quand même énormément de questions qui rentrent en compte et compliquent l’obtention de données.”.

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Qui doit agir ? La moyenne échelle : les Etats et les organisations régionales

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L’ensemble de la communauté internationale doit agir, mais de manière compartimentée. L’accent est mis sur la nécessité de faire travailler ensemble le HCR, et les Etats entre eux, surtout à un niveau régional. Pourquoi ? La raison avancée est principalement que la “réalité de ces déplacements” environnementaux variant de régions en régions, il est indispensable d’en adapter les réponses apportées, en sollicitant notamment les populations locales. Le HCR privilégie ainsi une approche dîte bottom-up pour répondre au mieux aux besoins d’assistance et de protection des populations, “plutôt que d’essayer d’avoir un régime global et international qui essaierait de couvrir toute sorte de migrants et déplacés environnementaux et qui ne serait pas tellement adapté à la réalité sur le terrain”.

 

Concernant le partage de l’activité, Marine Franck précise “Je pense que dire que cet enjeu doit être traité au niveau régional ne veut pas dire que les pays du Nord, pour parler grossièrement, ne veulent pas soutenir les pays du Sud à mettre en oeuvre des solutions. (...) Il s’agit donc aussi peut-être de donner un indicateur aux pays qui financent ces solutions sur l’endroit où investir”.

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Comment agir ? harmoniser des outils déjà existants

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Le HCR ne préconise pas d’ouvrir la Convention de Genève, ou la création d’un droit spécifique international, mais pense tout de même que le vide juridique entourant la question des déplacés environnementaux - et tout particulièrement les déplacements transfrontaliers - devrait être comblé. En effet, au niveau juridique, le HCR met surtout l’accent sur les déplacements transfrontaliers, puisque “en terme de protection,  pour les déplacés internes il n’y a pas vraiment (au niveau international) de vide juridique. Il a certes un vide sur la mise en oeuvre, mais comme il appartient à l’Etat de protéger les personnes dans son propre pays, on se situe là sur des problématiques nationales. (...) La mobilisation porte donc plutôt sur le renforcement de capacité et le renforcement financier au niveau national”. On peut par exemple citer le Global Protection Cluster, qui coordonne des organismes internationaux et des Etats afin de protéger les déplacés internes, notamment de conflits et des catastrophes naturelles, et dont le HCR est le “lead”. Marine Franck ajoute “Il y a déjà des choses qui existent au niveau des déplacés internes qui n’existent pas pour les déplacés transfrontaliers”. En ce sens, l’Initiative Nansen, qui traite des déplacements transfrontaliers, est à saluer.

 

La solution ne se trouve pas dans l’élaboration d’une nouvelle convention, dont le réalisme laisse sceptique et la pertinence Marine Franck : “ J’ai peur qu’il y ait peu d’appétit de la part des Etats pour aller dans ce sens et que cela ne réponde pas forcément au besoin de protection spécifiques qu’ont ces personnes là par rapport aux réfugiés (...) On sait que développer un instrument international prend des dizaines d’années et ne permettrait pas de fournir une protection à court terme à ces personnes. En plus, cela ne permettrait de se concentrer que sur les déplacés trans-frontaliers, et non internes qui sont pourtant la majorité des déplacés. Cela ne permettrait pas non plus de prendre en compte les déplacés non forcés qui, dans le contexte des évènements lents, décident cependant de partir dans la détresse la plupart du temps. (...) Comment protéger de la même manière quelqu’un qui doit fuir puisque son habitation a été ravagée par la montée des eaux et qui ne pourra plus jamais y retourner avec quelqu’un qui fuit par exemple une inondation soudaine mais temporaire et qui va dans quelques mois pouvoir reconstruire sa maison ?”, même si elle salue les initiatives des universités de Columbia et Limoges : “Il y a toute une multiplicité de raisons pour lesquelles je trouve très intéressantes d’avoir ces propositions là, (...) qui permettent de faire avancer le débat. Mais je pense que cela doit aller de pair avec des approches plus régionale et bilatérale, qu’il est déjà possible de mettre en place et que des Etats ont d’ailleurs déjà adopté dans certaines régions”.

 

Ce qui est nécessaire, c'est l’utilisation et surtout l’harmonisation d’outils de protection existants déjà au niveau national, bilatéral et régional ‘car, pour le moment, la protection de ces personnes se fait de manière ad hoc et désordonnée et sans coordination au niveau régional. Le travail en ce moment est donc de davantage faire connaître ces instruments qui existent et d’assurer leur usage au niveau régional”. “Par exemple, dans l’agenda de protection de l’Initiative Nansen il y a des mesures décrites qui peuvent s’appliquer aux personnes déplacées pas seulement à l’intérieur d’un pays mais aussi quand elles traversent des frontières et qui peuvent les protéger”.

 

Le HCR fournit par ailleurs “des interprétations de tous les articles, annexes et instruments qui en découlent, pour tout ce qui est protection temporaire des personnes lors des crises. Il dispose de certaines cartouches mais pas de la solution complète pour protéger les personnes.”. C’est pourquoi ses opérations devraient être mises en parallèle avec l’action des Etats.

 

Il s’agit également de mettre en place des politiques d’adaptation, qui touchent à la question de la réduction des risques environnementaux et du développement, notamment via l’utilisation d’outils tels que les Fonds Vert pour le Climat (qui est, selon M.Franck, “vers quoi il faudrait tendre”) ou le cadre d’adaptation mis en place à Cancùn en 2010. L’utilisation des fonds internationaux existants permettrait par ailleurs “d’avoir des mécanismes de financement plus prédictibles et créer un effet de levier pour que les pays du Nord aillent financer des initiatives au niveau régional dans les pays du Sud. (...) C’est tout l’enjeu aussi de la Task Force sur les déplacements de l’UNFCCC d’arriver à faire comprendre que les mécanismes financiers mis en place par la CCNUCC devraient prendre en compte ces problématiques là”. Il s’agirait ainsi d’intégrer cette question à ces mécanismes, ce qui semble crédible, plus simple et finalement logique à Marine Franck “Cette problématique touche au changement climatique, à la réduction des risques de catastrophe, au développement. Donc on aurait déjà un large spectre de couvert si tous les fonds liés à ces trois grands piliers prenaient en compte la problématique des déplacés climatiques et environnementaux”.

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Parcours

 

2009-2011 : Climate Change Policy Officer au WECF

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2011-2013 : Climate Change Officer chez EcoRessources Consultants, à Montréal

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2013-2017 : Program Officer Climate change, disaster and displacement à l’UNHCR dans les quartiers généraux de Genève

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2017 à aujourd’hui : consultante indépendante spécialisée dans le changement climatiques, les déplacements environnementaux et les migrations

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