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“Environ 25 millions de réfugiés climatiques l'année dernière”, (François Gemenne (chercheur), 02/01/2018, RFI), “143 millions de réfugiés climatiques d'ici à 2050 ?”, Sciences et Avenir, 21 mars 2018, “Réfugiés climatiques, la crise du siècle”, (L’Humanité, 15 novembre 2016), “Il y a davantage de réfugiés climatiques que de réfugiés liés aux conflits dans le monde” (Le Monde, 29 mars 2018), “Climate Change Is Driving People From Home. So Why Don’t They Count as Refugees?”, 21 décembre 2017, The New York Times), « Réfugiés climatiques : la Banque mondiale tire la sonnette d’alarme » (Franceinfo, 20 mars 2018). Autant de titres que l’on peut régulièrement lire dans la presse depuis une dizaine d’années et qui s’accompagnent d’images évocatrices :
un sol craquelé sur lequel s’égare une chèvre particulièrement amaigrie, une île paradisiaque que l’on trouve, sans pouvoir se l’expliquer, étrangement agitée et surtout, des femmes, des hommes et des enfants qui ne semblent plus avoir leur place dans ces paysages hostiles; ceux que l’on identifie à l’expression-choc de « réfugiés climatiques ». La plupart du temps représentés les pieds dans l’eau, ils sont le visage du changement climatique, un visage hagard, inquiété par un départ contraint et imminent aux conséquences incertaines. Ils seraient donc, à en croire ces titres alarmistes,
l’un des enjeux majeurs du XXIe siècle.

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Mais peut-on réellement parler de “réfugiés climatiques” ? Non, nous disent certains acteurs de ce débat. En effet, universitaires, institutions officielles étatiques et inter-étatiques semblent s’accorder pour éviter de recourir à cette notion de « réfugié climatique ». Ces acteurs soulignent le fait que la Convention de Genève de 1951, texte de droit international, ne définit le statut de réfugié que selon un critère de  persécution dont l’environnement ne peut être la source. Ils ne s’accordent cependant pas sur un terme internationalement reconnu. « Migrants climatiques», « déplacés forcés », “déplacés environnementaux”, “environmentally induced displacements”,
“cross border disaster displacement”, “climate change-related movement” sont autant
de dénominations renvoyant à des visions différentes d’un même phénomène.
Cette question de terminologie ne se limite donc pas au simple débat sémantique,
mais est au coeur des réponses politiques à apporter.

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Au cours de nos recherches, nous nous sommes rendus compte que l’utilisation du terme de « réfugié climatique » était surtout circonscrite au cadre médiatique et militant, dans un objectif de sensibilisation forte au phénomène de déplacement de populations du fait des changements environnementaux qui prend une ampleur croissante. Mais est-il réellement pertinent de désigner sous le même nom des ressortissants français, temporairement délogés par l’ouragan Irma l’année dernière, des habitants de l’archipel des Tuvalu, Etat destiné à définitivement disparaître sous les eaux ou encore les populations nomades et pastorales dépendantes d’activités agricoles de la corne
de l'Afrique ? L’idée seule de ces comparaisons fait apparaître de nombreux questionnements : quelles sont les causes à ces migrations ? Quelle est la taille
des populations concernées ? Doit-on, et peut-on, leur octroyer un statut commun ?
Peut-on parler de responsabilité, et si oui à qui l’attribuer ? Quelles autres solutions envisager ?

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A la croisée de domaines scientifiques aussi divers que la géographie, la climatologie, le droit international de la migration, les droits de l’homme, le droit humanitaire, le droit de l’environnement, la production de savoirs objectifs sur la question étudiée fait intervenir une multitude d’acteurs différents. Cette pluralité entraîne l’impossibilité de s’accorder sur une catégorisation qui témoigne des défis posés par cette nouvelle problématique, et des difficultés pour la théoriser et l’opérationnaliser. C’est le fruit de notre travail sur cette controverse, enrichie d’une dizaine de témoignages récoltés que nous vous proposons de découvrir dans ce site, réalisé à douze mains, de décembre à mai 2017.  

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